Je vais vous parler de l’album d’un groupe dont je suis fan, une valeur montante du Metal !
Il s’agit du quatrième album de Gojira sorti en 2008, The Way Of All Flesh. Le premier depuis leur reconnaissance internationale avec l’excellent From Mars To Sirius. Le défi est levé : les français du death metal seront-ils à la hauteur de l’attente de milliers de fans ?
Le sujet de l’album, dont le titre est traduisible par « le chemin de toute chair » ou « quand la chair succombe » (traduction du film de Victor Fleming adapté du roman de Samuel Butler nommé aussi The Way Of All Flesh), est la mort, mais dans un sens spirituel, évoquant des symboles philosophiques comme l’Ouroboros ou des inspirations spirituelles asiatiques comme la vacuité (bouddhiste) et la divinité hindoue Yama. Il ne s’agit donc pas d’un thème traité avec simplisme, classique dans le milieu.
Un « packaging » très réussi avec une pochette en livre. Très belle pièce !
Oroborus : une valse de notes qui nous entourent et nous transportent dans ce morceau dont le titre et les paroles symbolisent l’infini, l’éternel recommencement par l’image de l’Ouroboros, le dragon se mordant la queue et formant ainsi un cercle. Cette thématique est amplifiée par la partie après « death is just an illusion » où on ne voit plus la fin du riff. Les couplets sont très puissants par les guitares et le chant, très subtil et agréable sur ce morceau.
Toxic Garbage Island : un éclatement fracassant, une vraie bombe, très puissante, une impression de grand désordre sur l’intro puis, après les harmoniques flottants et plongeants, le riff ultime ! Avec ce titre, le groupe renoue avec le thème de leur précédent album : l’écologie, thème clairement explicite sur les paroles parlées revendicatrices ou hurlées (« plastic bag in the sea! »). La batterie est très prenante, sur l’intro comme sur le deuxième couplet, frénétique ! Un morceau phare de l’album, bien rentre-dedans et efficace, dans la lignée de Backbone.
A Sight To Behold : une légère grimace aux premières secondes de cette piste avec cette sonorité électro et la voix modifiée mais on se laisse facilement entraîner par la mélodie et le rythme. Des paroles engagées et très critiques de la société de consommation détruisant la planète par le gaspillage et la pollution, et la puérilité de nos principes, de nos actes et loisirs (« we have so much time to kill »), allant plus loin que le morceau précédent. Un bon titre, très agréable.
Yama’s Messengers : un morceau assez froid et lent au départ, traitant de la mort par l’image des « messagers de Yama » (divinité hindoue, Seigneur de la Mort), chargés de transporter l’âme devant Yama, comme une sorte de jugement dernier. Un morceau très ténébreux et fataliste mais prenant par les riffs et l’impressionnant blast beat nous plongeant littéralement dans ce tourbillon mortuaire.
The Silver Cord : la courte instrumentale de l’album, comme dans chacun des disques du groupe, un rituel. Une belle mais mélancolique et sombre mélodie.
All The Tears : glaçant et dramatique, ce titre possède des harmoniques torturées et ses notes tabassées (blast beat, avalanches de coups de grosse caisse) et douloureuses, mais sort peu du lot.
Adoration For None : dans la continuité du précédent, ce titre est marqué par un duo avec le chanteur de Lamb Of God, Randy Blythe, à la voix très rauque et dégoulinante, et des couplets très chaotiques. Mais quelle violence, outre cette introduction repoussante et déstructurée, « adoration for… NOOONE! », explosif, des riffs tapageurs et une interlude plus mélodique avec la voix.
The Art Of Dying : une introduction très longue, composée au départ d’une percussion à la structure complexe avec une sonorité assez indigène, donnant l’impression d’une batterie avec des os, illusion donnée par l’excellente illustration du livret avec le squelette dansant. Puis le titre s’ouvre sur une suite continue de coups jusqu’à l’apparition du chant, rampant, critiquant notre mode de vie mécanique et machinal avec la « télé Toute-Puissante » (« almighty TV plugged », « driven by clockwork », « mechanical heartbeat »). Le ton change à 4.03 et ouvre sur une autre partie calme puis violente mais mélodique, transcendante et entrainante. Le titre se termine sur une troisième partie répétant une fois de plus une partie très bonne. Une pièce maîtresse, très complète et exceptionnelle !
Esoteric Surgery : un morceau au riff prenant et appuyé par une batterie très virulente et rapide, suivi de riffs enroulés se déroulant dans un beau fracas. Le chant est plaintif et douloureux sur le pont. Un morceau qui manque de quelque chose pour être mis plus en avant mais très agréable et violent. Il se termine par des guitares partant en larsen et donnant le relais à la même mélodie qui a conclue The Art Of Dying pour précéder ici la piste suivant, montant en tension et s’évanouissant par un bruit sourd coupé brusquement…
Vacuity : … et explosant sans transition dans ce titre par des coups répétés et violents par dessus une grave et douloureuse mélodie de guitare torturée. Le chant est très présent dans ce morceau et bien plus que des hurlements grinçants monocordes. Un violent pont présente une partie terrible avec un blast beat destructeur et torturant. Un très bon morceau, frappant et violenté, transportant dans une sombre valse de terreur, finissant par des accords très appuyés et explosifs.
Wolf Down The Earth : un morceau qui ne présente que peu d’intérêt, notamment lors du ralentissement du tempo et son rythme trop plat, assez pénible. La force intérieure qu’il dégage n’est pas transcendante, dommage. Le titre et les paroles évoquent une destruction complète du monde, des hommes, des valeurs, de l’environnement, des paysages… « l’engloutissement de la terre ». Une fois de plus, une mélodie se trouve à la fin de la piste pour introduire la suivante.
The Way Of All Flesh : la batterie déboule et entraine sur un son et une atmosphère très sombre, la piste la plus dure de l’album et la plus ténébreuse. Elle constitue une mise en scène de la mort, de la destruction et l’affaiblissement de la chair, des « quatre éléments qui s’écrasent l’un dans l’autre », évoquant aussi les ténèbres croissants et la lumière d’un autre monde. Cette mise en scène est très prenante et réaliste lorsque le chant s’adresse directement à nous (« do not be afraid, you are dying – let yourself go »), parlé ou avec un chant lent et dérangeant, évoquant notre état se consumant. Peu à peu les notes sourdes et froides de toute vie s’évanouissent puis disparaissent brusquement, sans prévenir pour signifier la mort brusque et inattendue, de la même façon que Pull Me Under de Dream Theater, traitant du même thème.
Après un peu moins d’une dizaine de minutes de silence (funèbre), on peut entendre une partie instrumentale calme, sombre et solennel, qui peut avoir deux significations : soit elle symbolise l’apparition des lumières de l’autre monde évoquées dans les paroles du morceau, ou bien il s’agit d’une introduction de la piste suivante comme celles entre les pistes Oroborus/Toxic Garbage Island, The Art Of Dying/Esoteric Surgery, Esoteric Surgery/Vacuity, Wolf Down The Earth/The Way Of All Flesh mais « quelle autre piste suivante ? » me direz vous, « c’est la fin du disque, ducon ! ». Eh bien elle retournerais à Oroborus, le début de l’album, remplissant la symbolique du dragon se mordant la queue, de l’infini et éternel recommencement. Dans les deux cas, la boucle se tient : il y a toujours quelque chose après la mort ou à travers la mort : « death is just an illusion ».
Conclusion : une thématique spirituelle et un sujet très bien illustrés et accomplis. Cette idée m’a beaucoup inspiré et intéressé, ce qui fait que, bien que je considère objectivement From Mars To Sirius comme supérieur musicalement, je préfère de loin The Way Of All Flesh pour cette construction passionnante et réaliste, critique aussi sur notre société polluant et détruisant son environnement. Ce thème de l’écologie évoqué dans cet album peut s’apparenter à l’autre thème, la mort, car elle est la destruction, et même l’auto destruction à long terme de l’être humain et rejoint donc la mort, qui rejoint lui-même le troisième thème évoqué dans l’oeuvre : l’éternel recommencement. Une réalisation impeccable, une création artistique formidable, et pour parler plus de la musique, l’album contient effectivement des pistes excellentes hormis leur contexte thématique : Oroborus, l’efficace Vacuity, le magistral The Art Of Dying et le ravageur Toxic Garbage Island.
Un aperçu de leur art « Vacuity«